DR Congo - 06 juin, 2024
Causé par la quête de meilleures conditions d’existence, l’exode rural s’amplifie du jour au jour sous prétexte que les centres urbains offriraient plus d’avantages en terme d’activités génératrices de revenus que les zones rurales, dépendantes de l’agriculture. Cet exode rural est davantage le fait des jeunes (filles et garçons) et des femmes capables en âge actif qui auraient pu pratiquer l’agriculture pour les besoins de subsistance de leurs ménages. Mais souvent, au bout du monde, l’eldorado urbain n’est qu’une chimère.
Pour garder ces jeunes hommes et femmes dans leurs milieux d’origine voire ramener ceux et celles partis pour les études, il importe de mettre en place des incitations. Ainsi, Tropenbos RD Congo les accompagne dans l’agroforesterie basée sur la culture de cacao pour renforcer leurs moyens d’existence en contribuant à améliorer leurs revenus. La culture de cacao intégrée à l’agroforesterie apparaît comme un outil pertinent de développement. La méthode c’est d’agir sur ce qui existe en le perfectionnant pour en maximiser les avantages tout en minimisant les coûts. Or, la culture du cacao est, comme d’autres cultures de rente, considérée comme une activité des hommes et des aînés sociaux, une construction sociale dominante dans les milieux villageois. En déconstruisant ce stéréotype coutumier pour lui substituer une nouvelle approche intégrant les jeunes et femmes, Tropenbos RDC s’est employée à sensibiliser les communautés locales sur les pratiques agroforestières de cultures pérennes. Elle a également soutenu les communautés avec les semences pours les cultures vivrières et pérennes (fruitières, forestières, palmier à huile, etc.), et apporté des appuis techniques dans le cadre des programmes Working Landscapes (2019 – 2023) et PIREDD-O (2020-2022)
En effet, 2019 a été l’année de départ dans l’accompagnement des communautés locales dans l’agroforesterie avec le programme WL. Les femmes et les jeunes étaient réticents non seulement à l’idée des champs communautaires mais aussi au concept même de l’agroforesterie associant bananiers au cacaoyer. Par ailleurs, les cultures pérennes prennent du temps pour répondre aux besoins familiaux et exigent beaucoup d’investissement. Ils ont continué avec les cultures vivrières et sollicité des cultures maraichères. Cependant, malgré la prise en compte de leurs souhaits, le succès n’a pas été au rendez-vous à cause de l’approche communautaire maintenue. Les champs communautaires n’assuraient pas des garanties, notamment par rapport au partage des bénéfices. Face à l’échec, TB RDC a entamé des réflexions avec eux pour tirer des leçons et prendre ensemble des résolutions pour un changement durable. Ceci a abouti à la recommandation d’appui individuel/familial.
Quant à la question des droits d’accès à la terre, l’un des blocages à la pratique des cultures pérennes, Tropenbos a appuyé les communautés dans le processus de la foresterie communautaire dans le cadre de WL, GLA, PIREDD-O et PCREF. Elle a même facilité des ententes entre ayants-droits coutumiers et allochtones pour l’accès à la terre avec l’accompagnement de certains chefs locaux. L’appui de Tropenbos RD Congo se décline en plusieurs formes : la sensibilisation sur les avantages de la cacao-culture, identification des bénéficiaires, formation pratique et soutien à la mise en place des pépinières, formation technique au remplissage des sachets polybac, à la semi, entretien des pépinières, transplantation et mise en place dans le champ définitif.
En conséquence, des femmes et jeunes s’investissent progressivement dans l’agroforesterie et les cultures pérennes dont le cacaoyer. A ce jour, les femmes représentent près de 11% des bénéficiaires des semences de culture de cacaoyer soit 108 sur 997 et les jeunes 41% soit 409 sur 997. Actuellement, près de 50ha de cacao sont emblavés par ces cadets sociaux dont 15 pour les femmes et 35ha pour les jeunes. Ces champs appartiennent en principe au foyer, tous les membres du foyer peuvent y travailler mais leur installation (du défrichage à la transplantation) est née de l’initiative des femmes ou des jeunes qui se sont enregistrées comme bénéficiaires et impliquées dans les activités communautaires (entretien et mise en place des pépinières, etc.). Contrairement aux femmes, les jeunes ont leurs propres champs. Certes, certains travaillent dans les champs familiaux mais la plupart de ceux qui se sont enregistrés comme bénéficiaires le font pour eux-mêmes. Au moins 5 jours par semaines, les femmes et les jeunes consacrent plus de 5heures du temps en forêt mais pas seulement dans les champs de cacao, elles collectent les produits forestiers divers (bois de chauffe, champion), travaillent dans les champs de cultures vivrières, etc.
Il reste encore du chemin à parcourir pour avoir davantage des femmes et jeunes dans ce secteur, mais force est de constater des progrès réalisés.
Soulignons que les femmes travaillent pour leur foyers mais les jeunes font leurs propre champs et le bénéfice sera répartie en deux : une partie sera destiné à la satisfaction de leurs besoins et l’autre pour la famille.
Ce succès vaut autant pour l’amélioration des moyens d’existence que pour la sédentarisation de l’agriculture visant à réduire l’itinérance agricole et le brûlis (principal moteur de déforestation et de dégradation forestière tout en étant principale source de revenus pour les communautés locales). Considérant le poids démographique et sociologique des femmes et jeunes dans la société congolaise, agir sur les pratiques agricoles dominantes chez ces groupes apparaît comme une voie royale pour obtenir un changement global et durable.
L’adhésion des femmes et des jeunes à l’agroforesterie et à des pratiques agricoles durables est un succès important qui constitue un pas important vers l’amélioration des moyens d’existence. Dès lors il est nécessaire de poursuivre les appuis jusqu’à la première récolte, à la mise en contact avec les marchés et au partage des bénéfices.